Jour de la rentrée scolaire, tous les enfants ont leur cartable sur le dos. Les grands-parents ont leur sac à dos pour parcourir les sentiers du bout du monde, là où finit la terre : le Finistère. A la plage du Koréjou sur la commune de Plouguerneau, nous débutons notre journée sur le GR34 pour redécouvrir les beautés de la côte des Légendes. Nous entamons notre randonnée sur le site naturel de Penn Enez. François Breton, artiste sculpteur y a installé son atelier à ciel ouvert pour réaliser des statues en pierre de Kersanton. Le sentier suit le pourtour de cette île reliée par une digue. Elle abrite un petit port, une ancienne maison de garde et des activités nautiques diverses. Puis nous longeons une côte rocheuse jusqu’à la grande plage nommée la Grève blanche. La couleur du sable lui doit, sans doute, de porter ce nom. Nous distinguons le phare de l’île Vierge, au loin, dans une légère brume. La côte granitique est ensuite entrecoupée de petites anses où se balancent mollement quelques canots. La marée descendante fait apparaître des rochers de plus en plus nombreux. La navigation au milieu de tous ces cailloux doit être délicate à négocier. Au fond de l’anse de Kélerdut, nous bifurquons vers l’intérieur des terres pour rejoindre à nouveau le sentier côtier près de la Grève blanche. Les rayons du soleil illuminent la plage que nous traversons en rasant une eau aux reflets cristallins. Sur le chemin du retour, nous faisons un crochet vers l’enclos de la chapelle Saint Michel.
Cale de mise à l'eau La Grève blanche
Notre balade terminée, nous nous dirigeons vers notre chambre d’hôtes « Kerleone » située à Lilia. Nous avons à peine posé nos bagages dans l’entrée que nous avons déjà toutes les cartes en main pour randonner dans le secteur. Pour notre dîner, nous avons réservé à la crêperie le Lizen, à deux pas du Koréjou. Et bien nous en a pris car la salle est bondée. Pour un prix abordable, nous dégustons des galettes et des crêpes savoureuses et bien garnies. Nous sommes étonnés par le nombre de touristes allemands présents dans le secteur. Pour finir cette journée en beauté, nous assistons à un superbe coucher de soleil près de la cale de Porz Grac’h, avec le phare de l’île Vierge à l’horizon.
Dénivelé : ±115 mètres
Distance : 14 km
Vendredi
De la fenêtre de notre chambre, nous ne distinguons plus le phare de l’île Vierge. Une brume épaisse est tombée sur le littoral breton. Néanmoins nous décidons de tenter notre chance au port de l’Aber Wrac’h. Mais la purée de pois, la brouillasse, le fog, quel que soit le nom est omniprésent. Nous distinguons à grand peine les bateaux au mouillage au milieu de la ria. Nous passons outre, nous longeons la baie des anges. Pendant un court instant, le voile se lève et nous apercevons le littoral de Plouguerneau. Puis notre regard replonge sur le sentier douanier qui contourne la presqu’île Sainte Marguerite. Quelques îlots apparaissent, aux contours incertains. Nous nous attardons quelques instants au port du Vrill pour regarder un bateau goémonier décharger sa cargaison de laminaires. Nous pensons entrer dans l’aber Benoît. Au niveau du village de Coum, nous délaissons le bord de côte pour nous diriger vers le bourg de Landéda. Nous nous imposons deux kilomètres de bitume pour rejoindre le centre-ville. Puis nous retrouvons un chemin cyclable qui redescend vers la baie des anges. L’atmosphère a retrouvé des couleurs. Le port de l’Aber Wrac’h se dévoile enfin. Nous rejoignons Lilia pour trouver un restaurant répondant à nos attentes gustatives. Seule la crêperie « La route du phare » a su retenir notre attention. Mais son emplacement sur le front de mer remporte l’adhésion de nombreux vacanciers. Contre toute attente, le gérant nous propose un service en avant-première à condition d’avoir libéré la table pour 20 heures. Nous acceptons. Durant un quart d’heure, nous avons le privilège d’être les seuls clients de la terrasse couverte. Puis les tables se remplissent, les serveurs s’affairent, les commandes affluent, les touristes imprévoyants refluent.
Port de l'Aber Wrac'h Déchargement de goémon
Nous libérons notre table à l’heure prévue. La lumière rougeoyante sur la mer nous donne l’envie de profiter de cette belle soirée de fin de saison estivale. Nous longeons la plage de Kervenni, puis nous traversons la lande pour venir nous asseoir au bout de la pointe, face au phare. Le coucher du soleil sur l’île Wrac’h est un moment de plénitude où le bruit du ressac vient magnifier cet état de grâce.
Dénivelé : ±178 mètres
Distance : 18 km
Samedi
Sur la route du Conquet, je me remémore mes années estudiantines brestoises. Porsall, pour le naufrage de l’Amoco Cadix qui avait envahi la ville de Brest d’une odeur forte d’hydrocarbures. Porsall, pour les week-ends à aller ramasser sur les plages les oiseaux englués de pétrole, pour les vacances scolaires à dégager les anfractuosités des rochers des amas goudronnés. Puis Porspoder, où Jean-Luc avait une maison de vacances au pied de la grève. Nous étions une dizaine de notre promo à quitter Brest après les cours pour nous retrouver face à la mer, pour respirer l’odeur forte du goémon et pour regarder les vagues se briser avec fracas contre les rochers.
Passerelle du Croaë au Conquet Départ du port du Conquet
Notre embarquement pour Enez Eusa, « l’île d’Ouessant en breton », a lieu en début d’après-midi. Nous laissons notre véhicule sur les parkings de la plage des Blancs Sablons. La passerelle du Croaë nous permet, piétons et cyclistes, de traverser la ria et d’entrer de plain pied dans la ville du Conquet. Un petit chemin longe la ria jusqu’au port d’embarquement. Le Fromveur 2 attend à quai de charger les bagages et les passagers. La mer est calme, le roulis sera inexistant et le mal de mer ne sera pas à craindre. Nous quittons le port pour une traversée d’une heure et quart. A bâbord, nous distinguons les îles de Béniguet et de Quéménès ; le feu des trois pierres annonce l’escale à Molène. Le phare de Kéréon nous indique notre arrivée prochaine au port du Stiff. Sur la falaise qui domine le port, un phare et deux sémaphores dont l’un contrôle le passage des cargos dans les rails d’Ouessant sont les gardiens de cette contrée particulièrement dangereuse. Nous prenons la navette pour parcourir les trois kilomètres qui nous séparent du bourg de Lampaul. Elle nous dépose au pied de l’église. Il nous reste 200 mètres à pied pour aller déposer nos bagages dans la chambre d’hôtes « Le Prat Meur ». Nous visitons le bourg de Lampaul avant d’aller dîner au restaurant La Duchesse Anne. La salle panoramique nous offre une vue saisissante sur le port et la baie de Lampaul. Nous dégustons la spécialité locale : le pesket ha farz, dérivé du célèbre Kig ha farz avec du poisson et des coquillages en place du jarret de porc. Un régal. Ce merveilleux repas nous incite à finir la soirée par une petite balade digestive le long du port.
Dimanche
Pour cette première journée de randonnée sur Ouessant, nous quittons le bourg de Lampaul en empruntant le sentier qui longe la baie côté sud, en direction de la pointe de Perm. Le long de la côte rocheuse, la mer est calme. Malgré un ciel peu engageant, et même très sombre, nous sommes heureux de pouvoir redécouvrir les beautés sauvages de ce bout de terre ancré en pleine mer, battu par les tempêtes océanes. Entre deux habitations closes de murs de pierres, nous apercevons le phare si caractéristique du Créac’h, de par sa tour de 55 mètres de haut aux bandes noires et blanches. Nous passons près d’un fort construit en 1861, et devenu propriété privée. Le phare de Nividic apparaît derrière de gros blocs de granit façonnés par les éléments naturels. Le site est grandiose. Même par temps calme, nous ressentons la force des vagues qui viennent se fracasser sur les brisants. Nous imaginons la fureur de l’océan lors d’un coup de tabac. Dans l’anse entourée d’un cordon de galets, nous distinguons deux têtes à la surface de l’eau. Elles apparaissent puis disparaissent. Ce sont deux phoques gris qui viennent s’alimenter parmi les champs de laminaires. Dans l’anse suivante, trois petites têtes sont présentes. Nous passons sur la côte nord de la pointe. Au milieu de lande, les blocs de pierre présentent des découpes fantasmagoriques. Du côté mer, la côte est déchiquetée. Nous approchons du phare du Créac’h. Les cyclistes sont nombreux à venir visiter le musée des phares et balises. Nous poursuivons notre chemin vers l’île de Keller.
Côte sud de la pointe de Pern Le phare du Créac'h
Mais la météo en a décidé autrement. Les gouttes de pluie se font de plus en plus denses et le vent forcit. A la plage de Yuzin, les trombes d’eau s’abattent, le ciel s’assombrit. La lande n’offre aucun abri. Nous décidons d’écourter notre randonnée en empruntant un chemin vers le village de Kergadou, puis la route vers le bourg. Malgré nos vêtements soi-disant imperméables, les bourrasques de vent et de pluie ont raison des points faibles de notre habillement. Nous rentrons trempés comme des soupes dans la chambre d’hôtes. La salle de bains devient rapidement la zone de décontamination pour éviter de mouiller le reste de la chambre. Les vestes, les pantalons, les chaussettes, les chaussures et les sursacs sont mis à égoutter au dessus de la baignoire et sur le rebord de la fenêtre. Comme le dit si bien le proverbe breton, en Bretagne, il fait beau plusieurs fois par jour, et soudain le soleil réapparaît. Alors nous n’hésitons pas à ressortir avec notre veste trempée pour qu’elle puisse profiter du vent et des rayons solaires pour sécher. Nous réitérons l’opération deux heures plus tard en prenant nos pantalons à la main en direction du port. Face à la baie, installés sur des bancs, nous nous laissons bercer par le cri des mouettes tandis que le vent gonfle les jambes de nos pantalons tels des manches à air d’aérodrome.
Dénivelé : ±137 mètres
Distance : 12 km
Lundi
Nous optons pour un départ de la randonnée au port du Stiff. Nous prenons la navette du matin qui nous dépose à l’embarcadère. Nous montons vers le phare et les sémaphores implantés au dessus du port. Une légère bruine nous oblige à porter nos vêtements de pluie. Le sentier suit le bord de la falaise, dans une lande couverte de bruyère en fleurs. La côte est protégée des vents et de la houle venant du sud. La mer est plate. Peu à peu, la masse nuageuse se déchire, le soleil fait son apparition mettant en valeur une palette de couleur entre le gris scintillant de la roche, le jaune du lichen, le brun mouvant des algues, le bleu intense de l’eau et le violet des bruyères. Nous contournons la pointe de Penn ar Men Du pour découvrir l’immense baie de Béninou et l’île de Keller. A l’approche de l’île, le ciel sur notre gauche semble à nouveau s’obscurcir. Nous prenons le temps de pique-niquer au pied du chenal où la houle et le courant s’engouffrent avec force. A la fin du repas, les premières gouttes commencent à tomber. Nous nous réfugions dans une ancienne casemate allemande le temps de l’averse. Au bout d’une dizaine de minutes, nous pointons le bout de notre nez pour constater l’amélioration météorologique. A la plage de Yuzin, là où la veille nous avions abandonné notre périple, nous décidons de poursuivre vers la pointe de Pern. En effet, refaire le parcours en sens inverse permet de savourer des points de vue différents. Dans l’anse suivante, nous retrouvons nos phoques gris dont seule émerge la tête aux longues moustaches. Après avoir salué le phare du Créac’h, nous arrivons en vue du phare de Nividic et ses fameux pylônes qui supportaient un câble permettant le transport de l’électricité et des ouvriers. La mer a grossi. Les jets d’écume jaillissent au dessus des rochers. Nous restons un moment à contempler ce spectacle fascinant. Puis nous reprenons notre marche en direction de Lampaul. A l’entrée du bourg, ma compagne exténuée désire rejoindre au plus vite notre logement pour souffler. Pour ma part, je déambule dans les rues commerçantes pour trouver la carte postale qui fera plaisir à mes petits-fils et effectuer quelques emplettes afin de nous offrir un bon goûter revigorant.
Pour le dîner de ce soir, nous retournons à la Duchesse Anne. Le cadre, le rapport qualité-prix nous ont convaincu. Nous optons pour la choucroute de la mer.
Dénivelé : ±260 mètres
Distance : 18 km
Mardi
Pour cette dernière journée sur Ouessant, et avant l’embarquement prévu à 17 heures, nous allons tenter de faire le tour de la pointe de la Jument. Mais la météo est capricieuse, nous avons parcouru à peine trois kilomètres sur le côté nord de la pointe que les nuages s’assombrissent, qu’un arc en ciel recouvre la baie de Lampaul et que les premières gouttes se font sentir. Tellement sentir que nous rebroussons chemin jusqu’au lavoir de la plage du Prat où une cavité permet de s’abriter. Deux jeunes filles partagent déjà cet abri précaire le temps que l’averse orageuse se tarisse. Devant le risque avéré de reprendre un grain, nous préférons revenir sur nos pas. Sitôt parvenus dans le bourg, le ciel s’illumine sur la pointe de Pern tandis qu’il reste décidément trop chargé vers le phare de la Jument. Haut les cœurs, nous repartons vers le phare de Nividic. Au passage, nous bifurquons vers la petite chapelle Notre-Dame de Bon Voyage. Malheureusement celle-ci est fermée.
Nous quittons le sentier côtier pour rejoindre la pointe par la route. Pour la troisième fois, nous retrouvons nos phoques gris dans l’anse située à droite des pylônes. La mer a encore grossie. Le spectacle est à la hauteur des gerbes d’eau qui viennent coiffer les blocs de roches. Nous effectuons notre retour par la route intérieure qui nous permet de découvrir quelques villages ouessantins, de comprendre la réhabilitation et le fonctionnement de petits moulins à blé avant de récupérer nos bagages à Prat-Meur. Avec ces coups de vent à répétition, nous pensions avoir une mer agitée pour notre retour sur le continent. Seule une petite houle vient bercer notre traversée. Déception.
Dénivelé : ±42 mètres Dénivelé : ±86 mètres
Distance : 4 km Distance : 9 km
Une fois débarqués, nous prenons la route pour un petit appartement dans les faubourgs de Brest.
Mercredi
Nous délaissons nos godillots de randonnée pour des chaussures urbaines car nous allons à Landerneau . L’office du tourisme organise une visite commentée du quartier médiéval . Nous nous retrouvons seuls avec le guide pour un parcours de trois quarts d’heure entre la place du marché, le pont habité et l’église Saint Thomas. Puis nous nous rendons à l’ancienne abbaye des Capucins pour faire connaissance avec les œuvres d’Ernest-Pignon Ernest qui y sont exposées. Cet artiste plasticien urbain montre son engagement poétique et politique à travers des collages papier qui ont une résonance avec les évènements ou la symbolique du lieu. Cette exposition est une totale réussite sur le plan de la scénographie et de la découverte d’un tel artiste. Nous finissons notre journée culturelle à la Galerie de Rohan transformée en centre d’art contemporain qui présente des estampes actuelles issues du musée du Louvre.
Jeudi
Nous délaissons Brest pour reprendre le chemin du retour et retrouver des amis à Pont-Aven. Nous avons rendez-vous au musée pour l’exposition temporaire sur Mathurin Méheut . Ce peintre et illustrateur breton a su retranscrire les us et coutumes bretons dans des tableaux remarquables par leur graphisme. Nous profitons de la beauté de la rivière Aven pour remonter son cours jusqu’au château du Hénan. Un dernier verre sur le port pour clore en beauté cette semaine bretonne.
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