6h00 du mat. Les sacs sont bouclés.
Vers l'ouest, les nuages sont nombreux.
Et pourtant, c'est la direction que nous prenons.
Les balais d'essuie-glace chassent les brouillards d'eau qui ruissellent sur le pare-brise.
Au Conquet, j'abandonne Martine sur le quai de la gare maritime avec les bagages.
Puis je m'évertue à trouver un stationnement gratis. Près de la mairie, un terre-plein conseillé aux camping-cars ne semble pas concerné par la zone bleue. J'y gare la voiture et je rejoins prestement la zone d'embarquement.

L'André Colin se met à quai. Pour éviter la promiscuité, la chaleur du carré, l'odeur du vomi, nous nous installons sur la passerelle tribord pour profiter pleinement de la traversée.
Le vent a chassé les dernières gouttes de pluie lorsque les amarres sont larguées. Nous voguons vers Ouessant.

L'étrave du courrier rejette une superbe vague d'écume. Calés contre la timonerie, nous évitons les embruns que le vent rabat sur nos voisins.
Après une escale à Molène, le bateau fait route vers le port du Stiff. La houle s'amplifie, l'étrave enfourne, les estomacs vacillent. Certains débarquent dans une ambiance nauséeuse.

A pied, nous rejoignons le bourg de Lampaul pour déposer notre bagage chez "Kéo" crêperie-salon de thé-bouquinerie-artisanat d'art et chambres d'hôtes. Fort aimablement, notre logeuse nous distille quelques conseils pour faciliter notre séjour dans l'île. Nous logeons dans la chambre dénommée "Nividic" aux parfums de cannelle et de marine en bois.
Aussitôt, nous assurons nos repas du soir en faisant le tour des restos de Lampaul. Que du bonheur, puisque nous réservons, au Fromveur, nos places pour la retransmission sur écran géant de la finale de la coupe de France : Rennes-Guingamp.

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L'objectif de ces trois jours : boucler le tour de l'île par le sentier côtier.
Nous entamons notre périple par la pointe de Pern dans le sens des aiguilles d'une montre.
Oh ! Stéphanie de Monaco, Martine n'en revient pas, un quidam jure ses grands dieux qu'elle ressemble à la princesse monégasque.
Nous laissons notre hurluberlu sur son" rocher" et poursuivons notre marche.

Plus nous avançons vers le phare de Nividic, plus le bruit des vagues devient assourdissant. Le ciel s'est dégagé de ses dernières volutes cotonneuses.
Le phare du Créac'h domine de ses 54 mètres tout l'archipel.
Le musée des phares et balises, situé à sa base, présente l'aventure de la construction des phares d'Ouessant. Une série impressionnante de lentilles à échelon de Fresnel et d'ampoules remplissent le hall de l'ancienne centrale électrique de l'île. Par contre les notions de réfractométrie et d'intensité lumineuse n'éclairent pas notre lanterne.
La côte déchiquetée reçoit les coups de butoir de la grande houle du large.
Un grand bol d'air marin avant de mettre les pieds sous la table.

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Petit déjeuner au milieu des bouquins, nous faisons le plein d'énergie avant de retrouver les sentes tracées au milieu des ajoncs et des genêts nains. Tous les sens sont aux aguets. La pelouse rase est parsemée de coussinets de fleurs jaunes, bleues ou roses. La noix de coco embaume l'air salin ambiant. Le cri aigu du goéland argenté plane au dessus de nos têtes. La notion de liberté domine en parcourant les chemins longeant le bord des falaises rocheuses.
Notre promenade nous entraîne vers Porz Doun et le phare de la jument. La marée basse découvre les champs algaux de laminaires et d'himanthales.
La côte sous le vent est moins soumise aux affronts des tempêtes. D'anciens murets en pierres sèches soulignent l'ancien caractère agricole de cette partie de l'île, désormais envahie par la lande épineuse.

Installés sur une bande d'herbe moelleuse, nous savourons une terrine d'agneau, achetée à la charcuterie de Lampaul.
Des courants violents nous séparent du phare de Kéréon, qui protège les caboteurs des cailloux de l'archipel de Molène.
A la plage d'Arlan, Martine ne peut s'empêcher de goûter à la fraîcheur extrême de la mer d'Iroise.

Nous revenons vers le bourg en prenant les petites routes secondaires. Le mouton d'Ouessant a disparu. Les brebis, qui paissent, attachées par une longe, sont de souche commune. Je m'étonne de ne pas apercevoir le moindre potager, lorsque dans une ruelle du bourg, nos regards croisent un semis de salades, de navets et un plant d'artichaut. La conversation s'engage avec la jardinière.
Avant de rejoindre notre chambre, nous nous installons à la terrasse du café, auprès du terrain de boules où se disputent des parties acharnées.
Le serveur prend nos commandes :

- Pour monsieur,
- Un panaché,
- Pour madame
- Une limonade, merci

Le serveur revient avec mon verre et s'adressant à Martine

- Excusez-moi, j'ai oublié votre commande,
- Une limonade, s'il vous plaît.

Dix minutes plus tard, il arrive avec un plateau portant une demi douzaine de bière pour les boulistes et se confond de mille excuses, l'air penaud, en redemandant une troisième fois la commande si désirée.

- Vous aviez commandé ?
- Une limonade.

Le fou rire nous vient aux lèvres lorsque pour une quatrième fois, il ose revenir demander la nature du breuvage tant attendu.
Enfin, perdue au milieu d'un plateau rempli de demis, arrive la fameuse limonade qui nous sera offerte avec une assiette d'olives.

Le soir du grand match est arrivé. Déjà, dans la salle du restaurant, nous sentons une ambiance footballistique se développer.
Devant le grand écran, la ferveur est plutôt guingampaise. Il est donc de bon ton de ne pas trop la ramener. D'autant plus que la prestation du Stade Rennais est médiocre. Au premier but rennais, je m'aperçois que je ne suis pas le seul à soutenir les rouge et noir, le désarroi de la salle est de courte durée car l'égalisation ne se fait pas attendre. Puis la victoire costarmoricaine suit. Je repars, un peu désabusé, mais le bonheur n'est-t-il pas d'être dans un lieu aussi authentique ?

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Ce matin, nous prenons notre temps. Le temps de discuter des offres culturelles de l'île; du festival du livre insulaire et du festival l'Ilophone. Le temps d'aborder les problèmes concernant l'accueil des festivaliers et des saisonniers. Le temps d'envisager de venir passer un réveillon du nouvel an.
Notre sac de voyage nous sera déposé directement à la gare maritime. Pour le pique-nique, nous craquons sur une tranche de pâté de campagne aux algues et un cake aux chèvre et tomates séchées, puis nous ramenons deux saucisses fumées à la motte, spécialité ouessantine.


L'attente sera longue avant de casser la graine. Mais la beauté du rivage, des landes et de la mer nous feront prendre patience et le moment de la dégustation n'en sera que plus savoureux.

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A l'abri du vent d'est qui a fraîchi, nous contemplons, du haut de notre promontoire, la baie de Béninou.
La couleur de l'eau varie, d'un bleu tendre à un bleu intense, en fonction de la profondeur et des fonds marins.
Les algues dansent sur les ondulations de l'eau. La mobilité du vivant face à la rigidité de la roche abrupte.
Un goéland argenté nous tient compagnie, attendant notre départ pour avaler les quelques miettes de pain de notre collation méridienne.

Malgré une arrivée massive de touristes sur l'île, les sentiers sont peu fréquentés, à notre grande satisfaction.
Nous nous dirigeons vers le phare du Stiff, première lanterne de l'île, construite par Vauban, à éclairer Ouessant de ses rayons occultants.
Nous poursuivons notre ballade au-delà du port du Stiff afin d'avoir le sentiment d'avoir parcouru le sentier côtier dans sa totalité.

Puis nous embarquons à bord du Fromveur pour un retour vers le continent, beaucoup plus serein.


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Parcours :
Vendredi, Samedi, Dimanche