Samedi
Adieu Vercors, bonjour l’Ardèche. Nous prenons la route du sud en direction d’Aubenas. Nous bifurquons sur la route départementale n°7 vers Chichilianne. Les virages se succèdent jusqu’au col de Menée et dans la descente vers la plaine de Die. La végétation méditerranéenne est luxuriante, notamment dans la traversée des petites bourgades. Les vignes s’étagent sur les coteaux. Nous suivons la route des vins de la fameuse Clairette de Die. A Aubenas, nous profitons du marché hebdomadaire pour compléter notre avitaillement en produits frais. Quelle aubaine et quelle rareté, des parkings gratuits du samedi midi au dimanche soir en plein centre ville, alors une petite visite du centre ville historique s’impose. Le château, en cours de restauration, présente des façades et des toitures remarquables. Les trente-cinq derniers kilomètres pour rejoindre Loubaresse sont nerveusement fatigants. La route, au fond des gorges de Valgorge, est étroite, sinueuse, et traverse de nombreux hameaux. A l’arrivée à Loubaresse, le panorama s’élargit sur les montagnes ardéchoises. Nous récupérons notre gîte communal. Nous essayons de surmonter notre déprime en constatant l’aspect spartiate de notre location, la faible qualité du réseau internet et l’absence de jardin pour déjeuner à l’extérieur. Alors nous nous plongeons dans les brochures du parc naturel régional des monts d’Ardèche pour établir notre programme du lendemain.
Rue d'Aubenas Château d'Aubenas Porte médiévale
Dimanche
Distance : 7,5km ; Dénivelé : 300m
Une bonne nuit de sommeil a eu raison de notre coup de cafard. Nous étendons notre lessive hebdomadaire avant de quitter le gîte pour une randonnée autour de Loubaresse. Nous traversons le petit bourg pittoresque de 36 âmes qui dispose d’un gîte d’étape et d’un bistrot de pays. Nous sommes à une altitude de 1300m et nous profitons de paysages grandioses. Le moral remonte en flèche. Après quelques hésitations et erreurs de trajectoire, le GPS nous remet dans le droit chemin. La majorité du tracé s’effectue sur un chemin de crête qui permet d’admirer les multiples massifs montagneux. Nous marchons sur un terrain couvert de genêts et de bruyères en pleine floraison. Nous revenons déjeuner au gîte car le parc organise cet après-midi une animation à l’abbaye de Mazan. Le patrimoine religieux est situé sur la ligne de partage des eaux entre Atlantique et Méditerranée. Les vestiges de l’abbaye du XIIème siècle font partie d’un parcours artistique s’étendant de Saint-Agrève à Saint-Laurent-les-Bains.
Les ruines de l’abbaye cistercienne ont été mises en valeur par un artiste italien Felice Varini. Cette œuvre intitulée « Un cercle et mille fragments » se déploie sur les murs de pierre et les toits sous forme d’arcs de cercle plaqués à la feuille d’or. A un endroit bien précis, en surplomb de l’édifice, les arcs de cercle se rejoignent pour former des cercles. En plus de la visite guidée, nous avons assisté à une projection de clips mêlant danse, roue de cirque, musique et chant au milieu des ruines de l’abbatiale avant d’écouter un récital à la harpe celtique et à la vieille à rouleaux de chants grecs, turcs et roumains par l’artiste Ishtar. Nous avons adoré cette après-midi culturelle.
Lundi
Distance : 18km ; Dénivelé : 480m
Du col de Meyrand, éloigné de trois kilomètres du gîte, nous entamons notre randonnée en suivant le GR de pays tour du Tanargue. Il emprunte une route forestière qui traverse le bois de Braye constitué essentiellement de résineux et de hêtres. Cette route permet d’atteindre le ron de Coucoulude, un des spots pour l’escalade. Une brume tenace nous empêche d’apercevoir le Mont Lozère et les reliefs des Cévennes. Nous coupons par un petit sentier, en bord de falaise avant de retrouver le chemin carrossable que nous quittons à nouveau à la Grangette. Nous poursuivons sur une pelouse rase où le vent de nord souffle en rafales. Nous nous abritons derrière des rochers pour contempler le panorama en dégustant un petit café réconfortant. Nous quittons le GR au niveau de la plaine Redonde en direction du sommet de Mejan.
Au dessus du col de Meyrand Au sommet du Tanargue
Nous suivons un itinéraire de trail délaissant la route forestière des bergers qui porte bien son nom. En effet des enclos à moutons bordent le chemin. Nous entrons dans une zone boisée dont certaines parcelles ont été essartées. Au carrefour des Camarets, une table de pique-nique est la bienvenue pour faire la pause méridienne. Des agents du PNR passent en nous saluant. Puis nous arrivons en vue de la petite station de ski de Bauzon. De la station, un sentier de découverte part en direction du sommet du Tanargue culminant à 1511 m. Il nous amène dans les tourbières aménagées par l’Office National des Forêts. Nous circulons sur des platelages en bois au-dessus des sphaignes et des plantes des marais. Au sommet la vue est saisissante. Dans la descente vers le col de Meyrand, nous traversons des prairies couvertes de genêts, d’herbes graciles et de fleurs.
Mardi
Distance : 11km ; Dénivelé : 250m
Nous sommes réveillés par une clarté lumineuse. En ouvrant les volets, le clocher carré et crénelé de l’église apparaît dans un ciel bleu azur. La journée s’annonce sous les meilleurs auspices. Nous prenons la route en direction de Montselgues. Après dix-sept kilomètres de routes sinueuses, nous nous garons le long du mur du cimetière, sous un énorme tilleul odorant. Nous descendons la rue du village puis nous empruntons la piste de La Fage en même temps qu’un semi-remorque transportant une pelleteuse destinée aux travaux de prévention des incendies de forêt. Sur notre gauche, nous visualisons le massif du Tanargue, le ron de Coucoulude et le chemin de crête parcouru la veille. Les flancs de certains coteaux, couverts de bruyère en fleurs, apparaissent rouge grenat. Nous quittons la piste au lieu-dit Teste rouge pour emprunter un sentier au milieu des genêts. Certains buissons noircis ont subi l’assaut du feu. Un troupeau de vaches Aubrac nous regardent passer de leurs grands yeux maquillés. Nous longeons un haut grillage durant un bon kilomètre sans savoir ce qui se cache derrière. Nous récupérons le GR4 qui nous fait traverser les chaos granitiques de Montselgues.
Sur la piste de La Fage Maison ardéchoise Montselgues
Au hameau du Petit Paris, les maisons sont enserrées entre les blocs de granit. Une personne âgée nous indique le bon chemin envahi par la végétation. Nous déjeunons au pied d’une croix. Nous traversons le hameau de La Borie où règne un certain capharnaüm agricole. Des épaves de tracteurs et de machines agricoles côtoient du matériel dernier cri. L’arrivée sur Montselgues est insolite. Pour une bourgade de 88 habitants, nous voyons d’imposants bâtiments neufs en contrebas du chemin. Construit près de l’église, ce gîte d’étape et de séjour va pouvoir accueillir de 36 à 38 personnes. En arrivant près de notre véhicule, nous constatons qu’il est couvert de cistèles jaunes (Cteniopus sulfureus) provenant du tilleul.
Mercredi
Distance : 12,5km ; Dénivelé : 490m
Le parcours artistique « Le partage des Eaux » sera notre fil rouge de la semaine. Nous nous rendons à Saint-Laurent-les-Bains pour découvrir les œuvres du japonais Kôichi Kurita et du duo hâvrais Helen Evans et Heiko Hansen. Nous profitons d’une petite supérette pour faire quelques emplettes et notamment du pain car Loubaresse ne dispose d’aucun commerce. Sur la grande place, face aux établissements thermaux, une fontaine publique délivre une eau à 53°c, infiltrée jusqu’à 2500 m de profondeur. Nous trempons nos doigts dans une eau tombée du ciel il y a 17000 ans, à la période du Pléistocène. Un sentier aux longues courbes permet de monter au donjon qui domine le bourg d’une hauteur de 150 mètres. Nous prenons le GR72 en direction de l’abbaye Notre-Dame-des-neiges. Au croisement de La Croix du Pal, nous bifurquons sur la gauche pour effectuer une boucle. Nous traversons une belle forêt de hêtres avant d’arriver devant un immense bâtiment renfermant l’hôtellerie, la salle d’exposition et la boutique monastique. L’abbaye proprement dite est bâtie à une centaine de mètres plus à l’ouest. Depuis le 1er décembre 2022, une communauté de huit sœurs cisterciennes a succédé aux frères trappistes, présents depuis 1850 dans ce lieu de recueillement pour les pèlerins du chemin de Stevenson. L’espace Baden Powell, construit à proximité, dispose d’une aire de pique-nique, de sanitaires et d’une salle pour l’accueil des pèlerins, des scouts et des randonneurs et aussi des camping-caristes. Après le repas, nous allons admirer l’œuvre « Terre Loire » de Kôichi Kurita exposée dans les anciens chais. Nous entrons dans les caves de l’abbaye où sont disposés d’énormes foudres, vestiges de la vinification par les moines des vignes du Gard. Dans une salle dédiée, sur un panneau blanc déposé sur le sol, Kôichi a tracé le bassin versant de La Loire et a déposé sept cent coupelles contenant des échantillons de terre qui marquent les lieux de leur prélèvement. Les différentes teintes et couleurs du substrat montrent la diversité du sol que nous foulons chaque jour.
Le retour s’effectue par le sentier de la Felgère jusqu’à la Croix du Pal et la descente par le chemin emprunté à l’aller. A Saint-Laurent-les-Bains, nous poursuivons notre quête en grimpant par la calade jusqu’à la Grotte de Cristal, architecture de verre et de métal. Implantée au-dessus du village, elle symbolise l’histoire de la mine de fluorite enfouie sous le bourg et son interaction avec la source. Une terrasse de café nous tend les bras. L’occasion est trop belle pour ne pas siroter une petite bière.
Jeudi
Nous délaissons nos chaussures de randonnée pour nous rendre à Joyeuse, côté méditerranéen. En effet, au niveau de Planzolles, à une altitude de 500 mètres, la végétation de moyenne montagne cède la place aux cultures, à la vigne, aux lauriers roses et aux bignones. Nous visitons le centre médiéval de Joyeuse et Castanéa, le musée de la châtaigne. De la récolte à la transformation, des outils anciens aux procédés modernes pour la récolte, le séchage et le décorticage de ce fruit, le musée nous explique le passé et l’avenir de ce marron ardéchois. Nous profitons de la zone de loisirs au bord de la Baume pour pique-niquer avant de revenir déambuler dans la vieille ville. 
A Loubaresse, les jeudis sois de la période estivale, un petit marché de producteur s’installe sur le parking en bas du bourg. Nous y côtoyons le producteur de picodons et de pâté de porcs, le brasseur, tous deux de la commune, le boulanger de Saint-Etienne-de-Ludgarès, une apicultrice, un confiturier et de l’artisanat textile. Un musicien s’est installé pour donner un air de fête à cette manifestation bon-public. Après les produits à base de châtaigne achetés à la boutique du musée, nous avons pu ainsi compléter notre provision de produits locaux.
Vendredi
Distance : 12km ; Dénivelé : 400m
Pour notre dernière journée ardéchoise, nous allons poursuivre notre quête artistique le long de la ligne de partage des eaux. Nous prenons la route pour le col de Bez. De tout temps et de par la présence d’une auberge, ce lieu a été un rendez-vous fréquenté par les muletiers et les colporteurs venant des vallées avoisinantes pour monter le vin, les châtaignes et les fruits des Cévennes et pour la transhumance des troupeaux de moutons qui venaient en estive sur les hauts plateaux du Tanargue. Aujourd’hui, elle est vouée aux voyageurs et aux randonneurs qui peuvent y trouver refuge et table gourmande. Tandis que nous nous équipons, un troupeau de moutons précédé d’une bergère et d’un patou contourne la petite chapelle. Il traverse la départementale et s’engage sur une draille pour trouver un pâturage sur les flancs de La Sagne. Nous suivons le GR7 en direction de Saint-Etienne-de-Lugdarès. Nous longeons un enclos et soudain nous entendons les aboiements d’un chien que nous voyons débouler vers nous. A peine rassurés, nous continuons notre route tandis que le molosse retourne près de ses moutons. Au bout de deux kilomètres, au niveau du rocher des Resliades, une plafeforme en bois conçue par le designer Eric Benqué, implantée sur la ligne de partage des eaux, offre un point de vue remarquable sur le paysage. Au sommet des Lassès, nous apercevons « Le Phare », l’œuvre de Gloria Friedmann, situé au Moure de l’Abéouradou surplombant la vallée de la Borne. Nous entrons dans cette tour bleue, et par un escalier en colimaçon nous atteignons l’étage d’observation. Les petites fenêtres offrent une vision à 360°.
Troupeau de moutons au col de Bez Le Phare de Gloria Friedmann
Des rayonnages permettent d’y entreposer des livres, faisant de ce refuge, un espace de contemplation, de repos et de lecture pour toute personne de passage. Nous quittons cet endroit sublime pour rejoindre le hameau du Masméjean afin de visiter la maison des énergies renouvelables sise dans un vieux moulin à eau entièrement restauré. La porte ayant été fracturée durant la nuit, la visite des lieux ne peut-être assurée en ce jour. Un peu dépités, nous poursuivons notre boucle en longeant le ruisseau de Masméjan. Nous entrons dans la forêt communale de Saint-Etienne-de-Ludgarès où d’énormes grumes, récemment tronçonnées, sont amassées sur le bord de la route forestière. Nous reprenons notre véhicule pour monter au suc du Montat où a été installée une mire, dispositif de perception permettant de rendre visible pour des non initiés la ligne de partage des eaux.
Durant cette semaine, nous avons découvert un endroit où les randonnées offrent des panoramas sublimes, peu de difficultés tant par le dénivelé que par le bon entretien des chemins et du balisage. Le parcours artistique a été un atout supplémentaire pour la découverte de ce territoire.